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Photo du rédacteurRaph

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Dernière mise à jour : 8 juin

Tout l’argent du monde ne saurait sauver Franck Money de ses démons. Pas plus que sa sœur Cee, victime d’un médecin tortionnaire, qu'il tente de retrouver. Seules la détermination au ventre et la rage au cœur peuvent conduire ce jeune soldat noir de retour au pays, sur une terre hostile où il devra mener une nouvelle guerre à la fois contre les autres et contre lui-même.




Et au dessous se tient un homme


« Home » pourrait désigner aussi bien l’esprit torturé de Franck que la vielle ferme familiale, avec ce stigmate commun incarné par un arbre, le vieux magnolia d’une ferme voisine sous lequel a été abattu un homme qui refusait de céder son foyer à un groupe ségrégationniste encapuchonné de blanc. « Home » pourrait également se phonétiser en « Homme », tant ils y sont dépeints au couteau : des hommes brisés, désabusés, dérangés ou tout simplement impuissants.

Le titre rend hommage aux gardiennes du foyer qui endurent sans broncher la désinvolture des maris à domicile, l’effronterie des gamins encore innocents, l'impotence des voisines veuves ou grabataires. La dureté et la froideur sont les seuls remèdes au désespoir ; l'amour martelée à coup de bâton. Mais Franck a la tête dure ; c’est un fonceur, un intrépide, toujours le poing serré quand un inconnu s’approche de sa sœur Cee. Une rage qui se fera plus vive encore lorsqu'il quittera sa petite amie, à bout de ses troubles et ses terreurs nocturnes ramenés du front. Il est en Corée le jour où sa sœur quitte la ferme aux côtés d’un frimeur qui mettra les voiles une fois en ville. La jeune femme, à court d'argent, trouvera un emploi chez un médecin chirurgien en tant qu’assistante. Un bon travail à première vue, mais le contrat se scellera vite en pacte avec le diable, quand le riche homme de science blanc fait de Cee son cobaye, lui affligeant d’ignobles actes de mutilation.

Le diable n’erre jamais très loin dans le roman. Durant son voyage en train direction la Géorgie, à travers les panoramas d’une Amérique raciste et puritaine — mieux vaut garder le Green Book à portée de main — Franck monnaye un peu de sa folie meurtrière pour une dose de rédemption. N’en déplaise au zazou fantasmagorique vêtu d'un costume bleu, sorte de Baron Samedi couplé à Jiminy Cricket qui s'invite dans les divagations du jeune soldat. L’incarnation d’une conscience dérangée qui se nourrit de la culpabilité de l’homme. Dans la folie comme la réalité, Franck marche sur le fil du rasoir ; il frôle autant que possible les murs pour passer inaperçu des flics comme de ses démons ; qu'ils soient blanc ou noir, ils portent des costumes bleu.

L’issue reste incertaine : sauver Cee et partir le plus loin possible de la guerre, de l’hôpital psychiatrique d’où il s’est échappé, des perversions et des lynchages de son patelin ? Comme une boucle, le roman se termine là où tout a commencé pour le frère et la sœur, chacun maintenant l’autre en équilibre pour ne pas sombrer dans les ténèbres du passé. L’un et l’autre se tenant à bout de bras le plus droit possible, debout et fier comme l'était cet homme enterré dignement sous le magnifique magnolia.


Je suis resté un long moment à contempler cet arbre. Il avait l’air tellement fort Tellement beau. Blessé pile en son milieu Mais vivant et bien portant

Crédit photo : édition de poche aux éditions 10/18, traduit de l'anglais par Christine Laferrière.

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