Compté de Coos, New Hampshire, 1954. Le roman s’ouvre in media es – au milieu de l’action – sur la mort tragique d’un jeune draveur tombé de son billot de bois et happé sous le train de flottage, en amont de la tumultueuse Twisted River. Dominique Baciagalupo, le cuisto de la scierie et son jeune fils de douze ans Danny n’ont pas besoin d’assister à la scène pour savoir lequel des convoyeurs a commis le mauvais pas fatal sur sa grume instable.
Angel Pope. Ce jeune Canadien aux longs cheveux blonds avait fait forte impression au cuisinier boiteux, s’attirant une admiration quasi fraternel de la part de son adolescent de fils. Il avait travailler à la cantine et avait montré une certaine aisance en cuisine malgré sa maladresse ; Dominique aurait parié que le métier ne lui était pas étranger. Mais le jeune Canadien, qui se disait avoir fugué de Toronto, en avait marre de trimer aux fourneaux. Fougueux et intrépide, il s’était naturellement rapproché de la rivière et des convoyeurs, en particulier de Ketchum qui l’avait pris sous son aile. Ces « danseurs » charpentés comme des bucherons qui exécutaient des petits pas assurés en équilibre sur les troncs, maintenant les grumes dans le sens du courant avant l’ouverture du barrage où elles dévaleraient l’Androscoggin. C’est probablement ce chemin que suivait désormais le corps d’Angel, qui ne mettra pas plus d’une journée à arriver là où tout à commencé : au barrage de la Morte.
Le cuisinier voyait bien que le convoyeur de troncs avait regagné la berge, en tenant sa perche dans sa main valide. À sa bordée de jurons d’abord, et aussi un peu à sa chevelure d’étoupe et sa barbe en broussaille, il avait compris que le blessé n’était autre que Ketchum, pour qui les trains de bois et leurs pièges n’avaient pas de secret.
Logés tous deux à l’étage, Danny réveilla son père, davantage inquiété par la visite impromptue d’un ours que l’irruption de son ami ivre et manchot : Ketchum. Finalement, l’ursidé comme l’hirsute auraient été probablement motivé par le même but : casser la croute et panser leurs plaies.
Il faut s’imaginer la cantine du camp comme un préfabriqué pouvant contenir une trentaine de personnes. Dominique est italien, sa mère lui a enseigné la cuisine du pays mais pour nourrir bucherons et draveurs du village, mieux vaut s’en tenir à des repas rustiques et tenaces. A cette époque, une grande partie du budget était consacré à la nourriture de qualité et du personnel de cuisine qualifié pour contenter l'appétit vorace des ouvriers, si bien que les cuisiniers étant aux fourneaux trois fois par jours, tous les jours pendant les long mois de coupe. Les repas n'excédaient pas quinze minutes et étaient parfois consommés dehors, perché sur une barque ou sur la rive.
En cet après-midi où le jeune Angel Pope a trouvé la mort, les rares convoyeurs à s’être attablés n’ont pas eu le courage de finir leur assiette. En Italie, les restes sont sacrés ; Dominique aura donc eu tout le loisir d’hacher le surplus de viandes pour en faire un savoureux pain de viande, qui se déguste aussi bien chaud que froid. Ce repas improvisé est parfait pour combler la faim – si ce n’est remonter le moral d’un bucheron endeuillé. La compote de pomme qui accompagne traditionnellement ce plat apporte une note sucré-salé réconfortante. C’est une recette facile à réaliser, le pain de viande se conserve quelques jours au frigo et se prête à toutes les occasions : repas sur le pouce, goûter, collation du soir ou fringale nocturne. J’ai recensé les plats que Dominique fait habituellement en semaine, la viande n’étant pas présente à chaque repas, il est probable qu’il ait fait usage de reste de boeuf et de porcs qu’il suffit de bien hacher.
Dans la version originale, Irving écrit « meat loaf », dont la traduction littérale est bien « pain de viande ». Hors, la traduction française fait mention d’un « pâté à la viande ». Je pense qu’il y a confusion, le pâté de viande s’apparente au pâté de campagne comme on le connait en France, composé de viande et d’abats de porc, ce qui n’a rien à voir avec le pain de viande. Comme son nom l’indique, il a l’aspect et la consistance d’une boule de pain alors que le pâté est traditionnellement moulé et cuit au bain-marie, proche de la terrine. Je vais donc rester fidèle à la version originale : voici donc mon interprétation du pain de viande à la compote de Dominique Baciagalupo.
Liste d’ingrédients (pour 4 à 6 personnes)
Pour le pain de viande
400g de boeuf haché 5%MG
400g de porc haché
1 oignon nouveau
Sel & Poivre
1 cas d’huile d’olive
Ketchup
en option : 2 pincées de persil finement haché
Pour la compote
6 à 7 pommes Canada ou Boskoop
40g de sucre roux
1 cac de miel miel de forêt
2 verres d’eau
Commencer par émincer l’oignon, puis verser l’équivalent d’une cuillère à soupe d’huile dans une casserole chaude. Faire revenir les oignons jusqu’à ce qu’ils suent sans les caraméliser, puis réserver.
Préchauffer le four à 190-200°. Dans un grand saladier, mélanger la viande de boeuf et de porc, en ajoutant les oignons. Saler et poivrer selon votre goût et ajouter en option le persil. Pétrir jusqu’à obtenir une boule homogène et compacte. Napper le pain de Ketchup, à l'aide d'un pinceau ou directement avec les mains. L'idée est de le recouvrir d'une fine pellicule et non d'une épaisse couche. .
Placer votre viande dans un plat à four large – vous pouvez tapisser de papier cuisson – puis napper d’un filet d’huile d’olive avant d'enfournez le tout. Faire cuire 45min, du moins jusqu’à obtention d’une belle couleur brune et caramélisée (obtenue par le Ketchup). Vous pouvez retourner le pain de viande et prolonger la cuisson de 5min pour bien cuire le dessous.
Pendant la cuisson, lancer la préparation de votre compote de pomme. Commencer par laver et éplucher les pommes, puis les couper en quartier.
Faire les revenir dans une poêle à feu moyen en les saupoudrant de la moitié du sucre et la totalité du miel.
Une fois les morceaux légèrement caramélisés, ajouter un premier verre d’eau pour les faire suer et couvrir pendant 5 minutes. Abaissez à feu moyen, ajouter le deuxième verre d’eau et recouvrir 10 à 15 minutes en remuant de temps en temps.
Lorsque vos morceaux se délient et fondent, laisser à découvert jusqu’à ce que l’eau soit totalement évaporée. La compote ne doit pas être liquide, l’idéal étant de garder un minimum de mâche à la dégustation.
Réservez votre mélange et laissez-le refroidir.
Une fois votre pain de viande sorti du four, laissez-le reposer 15 à 20 minutes à l’air libre, si possible sur une grille pour qu’il s’assèche dessus comme dessous.
Dégustez votre pain de viande en plat, au déjeuner :
Dans une grande assiette, disposez deux à trois tranches de viande préalablement réchauffées (30s puissance max), d’une épaisseur de un à deux centimètres. Coupez vos tranches au couteau à pain pour rester dans le thème : l'intérieur ressemble à une mie bien compacte !
Déposez une portion de compote de pomme que vous pouvez parsemer de gros sel et d’un mince filet de vinaigre de cidre.
Vous pouvez également hacher quelques herbes fraiches : ciboulette, persil, thym et les parsemer sur le pain de viande.
Si vous disposez d’un coulis de tomate, par exemple une préparation type sauce Marinara, vous pouvez en napper vos tranches. Dans ce cas, accentuez la touche salée avec quelques pomme de terre grenailles et limitez votre compote de pomme à une seulement une quenelle pour la présentation.
Votre pain de viande, un encas original :
Découpez une à deux tranches fines de pain de viande à température ambiante et dressez dans une petite assiette à dessert.
Ajouter une généreuse portion de compote tiède. Vous pouvez laisser l’ensemble tel quel, nature.
Un peu de fleur de sel relèvera la compote, mais vous pouvez également saupoudrer de cannelle pour parfumer l’ensemble et apporter une touche chaleureuse au plat.
Afin de rajouter un peu d’acidité au pain de viande, vous pouvez ajouter quelques groseilles fraîches.
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